Tuesday, May 6, 2008

Art et Révolution : 1770 à 1815

L’époque 1770 à 1815 figure parmi les périodes les plus révolutionnaires de l’histoire. La Guerre d’Indépendance américaine en 1775, le Révolution française en 1789, la Révolution haïtienne de 1791 et la proclamation du Premier Empire français en 1804, ces développements affirment l’importance politique de cette époque. Or, en plus l’importance historique des ces événements, il y a aussi eu une transformation sociale. Nous pouvons aujourd’hui analyser cette transition dans la société à travers plusieurs exemples de beaux-arts de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe. En regardant des œuvres d’artistes, de Jean-Honoré Fragonard à Jacques-Louis David, la « révolution culturelle » devient apparente ainsi que les continuations de l’époque précédente.

Souvent cité pour ses traits frivoles et décadents, le métier artistique de l’Ancien Régime témoigne les derniers souffles du plaisir et du bonheur avant que la révolution n’éclate en 1789. En regardant la production artistique de 1770 à 1789, de nombreuses œuvres dans les domaines des beaux-arts, des arts décoratifs, de l’architecture et des décorations intérieures de salons et de boudoirs attestent à la joie de vivre artistique qui régnait sous Louis XVI et qui a été soutenue par Marie-Antoinette. Notamment dans le domaine de la peinture et des beaux-arts, le métier d’artistes comme Fragonard, Lavreince, et Greuze montre cette esthétique de bonheur, de sentimentalité, et de divertissement aristocratique de cette époque. Tandis que ces artistes étaient en train de créer des tels tableaux de genre et de sensualité secrète, d’autres comme David concevaient des scènes d’allégorie morale remontant au goût classique de l’antiquité. Cette fusion de plaisir et de morale à aboutit une révolution culturelle qui a complètement renversé la société française à la fin du XVIIIe siècle.

Les développements révolutionnaires dans la sphère politique à partir de 1789 ont crée de nouvelles conditions pour l’art, notamment en France. Même si les attributs allégoriques et les caractères moralisants dans la peinture avaient leurs origines dans l’époque de la fin de l’Ancien Régime dans l’ouvrage d’artistes comme David, l’abolition de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1793 a symbolisé la rupture avec le système traditionnel du passé. À ce moment-là, la repossession d’objets d’art et des grands tableaux classiques, provenant souvent des collections d’émigrés, par l’état révolutionnaire a marqué un retour à la dépendance sur l’état comme mécénat des arts. Dans la nouvelle république, l’état à établit le nouveau sujet et le nouvel but de cette période: la glorification des héros et des principes de la Révolution. Bien que le sujet de l’art ait changé, les tendances du passé n’ont pas disparu totalement. Le « langage » d’art ne correspondent-ils pas exactement à la haute rhétorique dans la politique. La Terreur de 1793 à 1794 n’était qu’un nouveau système autoritaire qui a remplacé celui du pouvoir absolu du roi de l’ancien régime. En particulier, le Concours de l’an II correspond à cette nouvelle dynamique dans l’art. Pourtant les décisions du juré représentent un retour à une politique à droit après l’exécution de Robespierre le 28 juillet 1794.

Dix ans après la prise de la Bastille, et c’est Napoléon Bonaparte, un générale corse, qui prend le pouvoir en tant que Premier Consul sous le Consulat. Peu de temps après, et il se fait couronné « empereur », évocation paradoxale du sacre des rois de France. En tant qu’empereur, Napoléon a crée une image publique encourageant l’idée et le thème d’allégeance politique répandu, remontant à son héritage révolutionnaire. L’ouvrage artistique du Premier Empire a renforcé cette image, ainsi que celle de la légitimité de l’empereur. Les victoires militaires de la France, l’histoire romaine et l’histoire de Charlemagne, thèmes souvent choisis par les artistes à cette époque, ont conforté l’idée de la puissance et la légitimité de Napoléon et de son empire. Les figures allégoriques femelles de la république et de la liberté, comme la Marianne, ont été remplacées par l’iconographie militaire du corps virile et de la puissance masculine. Le sacre se présente comme une cérémonie somptueuse qui souligne l’autorité impériale. L’empire de Napoléon est expansionniste et international, et l’art de son époque évoque cela, créant la première campagne de propagande moderne.


C’est donc par ces exemples que l’on peut bien définir la création artistique de cette époque révolutionnaire. Bien que les événements principaux et les transformations de la société soient surprenants, il faut également regarder les prolongements de l’époque précédente. Il est en analysant ces continuités ainsi que les tournants que l’on peut arriver à une image équilibrée de la vie à cette époque et voir que, malgré les tumultes, il y avait bien des éléments de la société qui ont persisté.

L'art de l'Ancien Régime: le dernier souffle du plaisir « avant le déluge », 1770-1789

Les traits de la culture française de l’Ancien Régime sont témoignés par plusieurs disciplines artistiques. En regardant la période de 1770 à 1789, des exemples dans les domaines des beaux-arts, des arts décoratifs et de l’architecture attestent à la joie de vivre artistique qui régnait. Notamment dans le domaine de la peinture, du mobilier, de la mode et des objets d’art, l’on peut observer cette esthétique de bonheur, de sentimentalité, et de divertissement aristocratique de l’époque, ainsi que le goût pour la nature et la vie bucolique à la campagne et l’allégorie classique de l’antiquité.

Pour commencer, la tradition de la fête galante, avec ses origines dans l’ouvrage de l’artiste valencien Antoine Watteau au début du XVIIIe, était toujours à la mode dans les années 1770 et 1780 sous Louis XV et Louis XVI. L’idée du plaisir et d’intimité, éléments intégrales dans la société prérévolutionnaire, a donc pu être soutenue dans le domaine artistique dans l’ouvrage d’artistes comme Jean-Honoré Fragonard. Né en Grasse en 1732, cet artiste a dominé la mode pour la fête galante dans les dernières années de l’Ancien Régime, remplaçant François Boucher, mort en 1770, comme un des plus grands artistes français de l’époque. Une série de tableaux de Fragonard crée pour l’actuelle maitresse de Louis XV, la comtesse du Barry, montre le style fête galante de Fragonard. Les Progrès de l'Amour dans le cœur d'une jeune fille, achevé entre 1771 et 1773, comprend une série de quatre panneaux montrant les aventures galantes de plusieurs jeunes filles avec des gentilshommes et des bergers, toujours dans un jardin. Remontant au pastoralisme de François Boucher, les tableaux montrent plusieurs histoires galantes presque théâtrales, rappelant l’organisation de L’embarquation pour Cythère de Watteau des années 1710.

Une quinzaine d’années plus tard, et Fragonard crée le même type de tableau, comme Le baiser volé, peint entre 1786 et 1788 environ. Ces thèmes récurrents d’amour et de sensibilité ne sont pas réglés à la peinture ; ils s’appliquent même aux objets d’art, comme dans une série de statues en biscuit d’Etienne-Maurice Falconet, de la Manufacture Royale de Sèvres. Deux exemples, Annette et Ludin et La fête au château, montrent des couples bergers amoureux. L’iconographie venant de tableaux d’artistes comme Boucher et Fragonard, la mode pour les scènes de tendresse et d’amour dans le métier artistique est claire.

Cette mode pour la fête galante a aussi joué dans le lancement de la mode pour la nature et de la vie champêtre. Après plus d’un siècle du protocole et de l’étiquette de Louis XIV à Versailles, la mode pour la vie plus décontractée a été déclenchée dans la seconde moitié du XVIIe, notamment par la reine Marie-Antoinette. Arrivée en France en 1770 pour épouser le futur Louis XVI, cette petite archiduchesse autrichienne a très vite commencé à réformer la vie à la cour. S’installant au Petit Trianon, un cadeau de son mari, dès 1774, la reine a transformé ce pavillon achevé en 1768 par Louis XV en éden rustique et agreste. Plusieurs objets et bâtiments du Petit Trianon témoignent la mode pour la nature et la vie simple qui étaient très à la mode avant la révolution.

Déjà, le Petit Trianon lui-même montre encore la mode pour l’intimité et la rupture avec l’imposant style baroque du grand château de Versailles. En traitant de la mode pour la campagne, la reine a même fait ériger une ferme en miniature, son petit hameau, à Trianon. Rassemblant plusieurs édifices de style normandes avec leurs toiles en chaume autours d’un lac artificiel, l’ensemble a été conçu entre 1781 et 1783. Malgré le fait que son hameau à Trianon lui a attiré l’opposition de la majorité des révolutionnaires et la haine du peuple, cette expérience champêtre faisait partie des bonnes œuvres de la reine, donnant à nourrir aux pauvres gens qui se mettaient à la grille de Versailles chaque jour ; elle faisait distribuer la récolte à ces personnes par les prêtres de paroisses versaillaises. Vêtue d’une robe dite « en gaulle », la reine recevait ses amis, eux aussi vêtus d’habits simples évoquant la campagne, à Trianon dans des salons meublés « au épis ». Quelques exemples- fauteuils, tabourets, écrans- de ce mobilier conçu par l’ébéniste Georges Jacob pour Marie-Antoinette en 1787 existent toujours à Versailles et démontrent la mode pour la nature dans encore une autre discipline artistique.

Avec ces deux thèmes d’amour et de simplicité naturelle, il y a eu aussi une mode pour la sensibilité et la tendresse dans le monde de l’art. L’artiste le plus connu dans la production d’œuvres tombant dans le travers de la sentimentalité est Jean-Baptiste Greuze. S’installant à Paris à partir de 1750, Greuze et son ouvrage représentaient la mode pour la moralité et l’émotivité à la fin de l’Ancien Régime. Or, la tradition de la fête galante et de ses amours secrètes ne manquait pas dans son ouvrage. Deux exemples, L’oiseau mort de 1775 environ et La cruche cassée de 1773 affirment cette influence. Il y a déjà le thème récurrent de la nature et de la simplicité de la vie paysanne avec la bergère tenant sa cruche et la jeune fille et son oiseau. La nature donc joue au niveau de la sentimentalité, d’une espérance pour une vie pure, simple. Mais, en analysant ces toiles de façon plus profonde, l’influence de la fête galante est discernable. Pour Greuze, les petits détails comme la cruche cassée et l’oiseau mort dans ces tableaux n’étaient pas simplement des allusions à la vie campagnarde, mais à la sexualité. Notamment, ils représentaient la perte de l’innocence ou de la virginité. De cette manière, l’art de l’époque de la fin de l’Ancien Régime devient plus complexe.

Finalement, le monde artistique fin-XVIIIe débute un des plus grands tournants avec l’avènement de Jacques-Louis David dans les années 1780. Cousin de François Boucher, David a commencé sa carrière en tant qu’artiste de style rocaille comme Fragonard et son cousin. Mais, il a très vite montré une autre tendance artistique remontant à l’antiquité. Un des premiers grands œuvres prérévolutionnaires de David, Le Serment des Horaces de 1784 témoigne toute à la fois la fascination avec l’antiquité suite à la découverte d’Herculanum et de Pompéi entre 1738 et 1748 et la nouvelle mode pour l’allégorie classique. Considéré comme un chef-d’œuvre du néoclassicisme, le tableau montre plusieurs éléments qui montrent des contrastes entre l’iconographie gaie et insouciante de Fragonard. Le corps masculin prend la partie dominante sur la toile, qui s’agit d’un moment d’action et d’énergie au lieu d’une fête galante. De manière importante, l’œuvre se concentre sur l’idée de valeur civique remontant à l’époque de la république romaine (les trois fils Horace étaient chargés de sauver la république). L’honneur se trouve dans le service à la nation, marquant un tournant dans la société rigide de l’Ancien Régime et qui a mené à la Révolution en 1789. En analysant cet œuvre dans ce contexte, les tournants et les développements de l’art prérévolutionnaire deviennent clairs et les stéréotypes d’un ouvrage frivole et décadent sont brisés.

Les Progrès de l'Amour dans le cœur d'une jeune fille, Jean-Honoré Fragonard (1771-1773)













Cette série de panneaux montre l’amour dans le cadre d’un beau jardin où figurent une jeune fille, des gentilshommes et des bergers. L’ensemble montre la sensualité de la fête galante avec des rencontres secrets, ainsi que l’intimité et l’hédonisme du genre. Crée pour décorer le boudoir de la comtesse de Barry, maitresse de Louis XV, à son pavillon à Louveciennes, la série a été refusée par la favorite du roi qui voulait quelque chose de moins frivole et plutôt dans le nouveau style néoclassique. Fragonard l’a donc gardé, l’installant dans son atelier.

Le baiser volé, Jean-Honoré Fragonard (1786-1788 environ)




Dans ce tableau, Fragonard montre encore le penchant pour le style fête galante et les allusions à l’érotisme dans les dernières années de l’Ancien Régime

Annette et Ludin et La fête au château, Étienne-Maurice Falconet (1770 environ)






Les thèmes récurrents de l’amour et de la sensibilité s’appliquent même aux objets d’art, comme dans une série de statues en biscuit d’Etienne-Maurice Falconet, de la Manufacture Royale de Sèvres. Ces deux exemples, Annette et Ludin et La fête au château, montrent des couples bergers amoureux. L’iconographie venant de tableaux d’artistes comme Boucher et Fragonard, la mode pour les scènes de tendresse et d’amour dans le métier artistique est claire.

Le Petit Trianon, Jacques-Anges Gabriel (achevé entre 1762 et 1768 et aménagé sous Louis XVI jusqu’à 1788)





Erigé sous l’ordre de Louis XV pour sa maitresse, la marquise de Pompadour, au début des années 1760, le Petit Trianon est du style néoclassique et montre la rupture entre le style gaie et asymétrique de la rocaille pour l’ordre classique du néoclassicisme naissant. Inauguré en 1768 par la nouvelle favorite de roi, Madame du Barry, c’est le spectre de Marie-Antoinette qui règne à Trianon depuis 1774 lorsque Louis XVI lui a fait cadeau du pavillon de son grand-père. Signalant la mode pour l’intimité du salon et du boudoir, le bâtiment principal marque une rupture avec l’imposant style baroque du grand château de Versailles. C’est à Trianon que la reine a fait construire un Temple à l’Amour, un petit théâtre privé où elle jouait des rôles de soubrettes et de bergères, un belvédère qui servait en tant que salon de musique et même une grotte artificiel pour créer un parc naturel dit « à l’anglaise ».